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Pratique

Opération Explorations gourmandes

Cuisiner local, un effort supplémentaire demandé aux restaurateurs

Publié le 31/10/2020 | par Aline Fontaine

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Hubert Maetz, chef du Rosenmeer, à Rosheim, fait partie des 180 restaurateurs qui participent aux Explorations gourmandes.
Aline Fontaine
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Les produits cuisinés par Hubert Maetz proviennent principalement de circuits courts.
Aline Fontaine

Jusqu’à ce soir, 31 octobre, Alsace destination tourisme mène l’opération Explorations gourmandes aux côtés de partenaires alsaciens. L’objectif : inciter les restaurateurs à intégrer les produits locaux dans leur menu.

Crème onctueuse bibeleskas saupoudrée de tarte flambée, escargots ramassés dans le Ried par Monsieur Jacques en cromesquis, petite matelote des bateliers du Rhin au riesling sur choucroute, farandole de gibier de chasse des proches collines sous-vosgiennes… C’est sûr, rien qu’à la lecture de ces plats, l’eau doit vous monter à la bouche. Imaginez ensuite déguster un morceau de munster affiné dans les caves Siffert, avant de savourer une part de vacherin maison. Le tout arrosé d’un elsasser schnaps glacé. Mmh. Voici le menu 100 % alsacien, concocté par le chef du restaurant gastronomique le Rosenmeer, à Rosheim, à l’occasion des Explorations gourmandes.

Pendant le mois d’octobre, Alsace destination tourisme (ADT) a invité les restaurateurs à proposer un plat, une boisson, voire un menu entier à base de produits locaux, afin d’honorer l’Alsace, du champ à l’assiette. Du haut de ses 35 années de métier, Hubert Maetz a pris l’initiative au pied de la lettre, et s’est amusé à revisiter certaines de ses recettes. Pour lui, participer à cette opération était une évidence. « Par les temps qui courent, nous ne pouvons pas être individualistes, et nous sortirons tous grandis si nous aussi les cuisiniers, nous promouvons la filière agricole », pense cet adepte des circuits courts qui travaille déjà avec une trentaine de fournisseurs des environs pour s’approvisionner en farine, œufs, volailles, entre autres, ou en fruits et légumes quand son jardin n’est pas assez généreux.

 

 

 

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Publiée par Le Rosenmeer-Hubert Maetz sur Vendredi 9 octobre 2020

 

 

Des étoilés aux winstubs

Près de 180 restaurants alsaciens, des étoilés aux winstubs, ont répondu à l’appel de l’agence de développement touristique qui a pensé l’événement au sortir du confinement, afin de transposer le « manger local » de la maison au restaurant. Séduits par l’idée de rassembler sous la même bannière des initiatives plus individuelles, plusieurs organismes comme l’Association régionale des industries alimentaires (Aria) Alsace, Alsace Qualité, l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih) et la Marque Alsace se sont associés à la démarche.

« Pendant la crise du Covid-19, nous avons tous pris conscience que les caissières et les agriculteurs travaillent pour nous. Avec cette opération, le « consommer local » prend tout son sens, car derrière les produits que nous proposons, des hommes et des femmes travaillent la terre. Cet effort collectif vise aussi à sauvegarder des emplois », développe Nicolas Stamm, chef du restaurant La Fourchette des ducs, à Obernai, et co-initiateur du projet. Depuis la fin du confinement, il est passé de 70 à 92 % de produits locaux dans sa cuisine.

 

 

 

Publiée par LA FOURCHETTE DES DUCS sur Mercredi 9 septembre 2020

 

 

Un réflexe pas si coûteux

Outre les circuits courts, les Explorations gourmandes veulent mettre à l’honneur les produits référencés sous les marques « Savourez l’Alsace » et « Savourez l’Alsace Produit du Terroir » ainsi que les démarches qualité AOC/AOP, IGP, Label Rouge et Bio. Cette approche peut être un peu plus coûteuse pour les restaurateurs mais, pour les participants, elle n’est en rien ruineuse. « Utiliser des produits frais revient peut-être à 0,50 € plus cher que d’acheter chez un gros distributeur, mais il suffit de le répercuter sur le prix de revient. Si c’est pour la qualité, le client acceptera », rassure Marjolaine de Valmigere, propriétaire du restaurant Chez Yvonne, à Strasbourg.

Au cuisinier de trouver des astuces pour rentabiliser ses choix. « Pendant un temps, une ferme du coin vendait des morilles, à un prix 2,5 plus élevé qu’au marché-gare. J’y suis allé quand même, se souvient Hubert Maetz. Et au lieu d’en mettre trois dans l’assiette, j’en mettais une farcie. Si j’avais triplé le prix à la carte, je n’aurais pas réussi à vendre le plat, mais de cette façon, je ne piégeais pas le client, et je soutenais l’activité locale. »

Finalement, pour ce chef, penser local est une gymnastique quotidienne. « Au début, quand j’étais jeune, je voulais proposer des plats différents, de loin, car les saveurs, ça fait rêver. Mais je me suis vite dit « pourquoi ne pas le faire ici », et j’ai réalisé que je pouvais préparer du wasabi avec du raifort et de la purée d’épinards. »

Se tourner vers le local s’accompagne d’une plus grande liberté mais aussi de surprises. « Parfois, le matin, je reçois un coup de fil de connaissances qui ont trouvé des cèpes ou des truffes, je dis tout de suite oui, et j’adapte ma carte en fonction », s’enthousiasme cet homme de la campagne. Et les producteurs qui vendent en direct semblent apprécier cette détermination. « En général, les restaurateurs jouent le jeu. Qu’ils tiennent des restaurants gastronomiques ou des brasseries, ils font l’effort de présenter du local sur leur plateau », estime Mireille Mattern, productrice de fromages de chèvre, à Solbach. Dans la vallée de Bruche, elle approvisionne quatre restaurants.

Mais le rêve d’une cuisine 100 % de proximité se heurte à une dure réalité. « Imaginez le nombre de produits que nous utilisons, c’est compliqué de mettre des circuits en place pour chacun d’eux. Cela demande beaucoup trop d’énergie et de temps, surtout quand les producteurs ne peuvent pas livrer », regrette Hubert Maetz, qui s’est par exemple résigné à acheter des châtaignes chez le grossiste, mais des châtaignes d’Alsace. « Si seulement nous étions exonérés de charge pour pouvoir embaucher des personnes qui puissent en ramasser », lance le chef, un brin dépité, qui gère déjà une dizaine de personnes en cuisine. L’équation est compliquée.

Main tendue à la restauration collective

En tout cas, afin que le réflexe du local se généralise, les organisateurs des Explorations gourmandes ont également sollicité des grossistes, avec l’idée que même sans passer par les circuits courts, il est possible de favoriser les produits alsaciens labellisés, y compris dans la restauration collective.

Après trois semaines d’opération, chez la Sapam, un distributeur de fruits et légumes, une centaine de leurs 500 clients du marché-gare de Strasbourg a suivi le mouvement. « Toutes les structures ne peuvent pas acheter local, parfois à cause des calibres imposés et pas forcément disponibles dans la région, ou des saisons. D’autant plus qu’en automne, l’offre est plus restreinte qu’au printemps. Mais cette opération a permis de faire évoluer les mentalités de certains restaurateurs qui vont désormais privilégier les produits locaux », remarque Nadège Heinis, chef de projet marketing, à la Sapam, dont la vente de produits locaux compte pour 20 % du chiffre d’affaires.

Hubert Maetz espère aussi que cet élan va perdurer. Il n’envisage pas encore de renoncer à faire venir du poisson de Bretagne. « Cela reste une de nos spécialités, et notre clientèle, surtout locale, est contente de trouver cette offre ici, surtout en ce moment, où c’est plus difficile de voyager », rappelle le chef. Pour autant, il songe garder un menu 100 % alsacien, peut-être un peu plus simple, en plus des plats qu’il propose déjà à la carte.

« Il faut du temps pour que choisir un pareil menu devienne une habitude chez les clients, mais ça viendra. Certains sont déjà revenus pendant le mois, c’est un bon début », confie-t-il. Après deux semaines d’opération, il évalue à 10 % de ses commandes le nombre de menus Explorations gourmandes.

Les initiateurs de l’opération ont déjà prévu de la reconduire au printemps prochain, avant, peut-être d’insuffler de nouvelles relations entre restaurateurs, producteurs, et in fine, consommateurs. « À notre niveau, nous les restaurateurs, nous pourrions soutenir davantage les producteurs pour qu’ils se diversifient et produisent ce dont nous avons besoin, propose le chef Nicolas Stamm. J’ai décidé de solliciter le couple d’agriculteurs qui gère la ferme du Lindenhof, au Hohwald, et qui fabriquait déjà du fromage bio pour la ferme-auberge. Sur mon plateau, tout vient maintenant de chez eux. »

Aline Fontaine

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