Vie professionnelle

Davina Trau, collectionneuse de vieux tracteurs

« Ce qui est rare et d’origine m’intéresse »

Publié le 26/07/2020 | par Jean-Michel Hell

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Davina Trau : « Nous devons préserver ce patrimoine et continuer à le faire connaître. Cette passion n’a pas d’âge. »
Germain Schmitt
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Bricoleuse, Davina Trau cherche à conserver ses tracteurs avec des pièces d’origines.
Germain Schmitt
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Davina Trau : « Quand c’est rare, je n’hésite jamais. »
Germain Schmitt

À Ebersheim, sur l’exploitation de la famille Trau, une dizaine de tracteurs anciens ont été rassemblés au milieu de machines agricoles modernes. Ils font partie d’une collection dont s’occupe Davina. Elle est la présidente de l’association Vieux tracteurs de Centre Alsace.

Rien ne pouvait présager qu’une telle passion allait être celle de cette jeune femme, âgée aujourd’hui de 35 ans. Certes, cela fait plusieurs générations que la famille Trau développe son exploitation céréalière et laitière. Johanna, la sœur, engagée dans le monde syndical, compte d’ailleurs pérenniser cette tradition familiale. Mais, Davina travaille, elle, dans le bâtiment. Il y a sept ans, lorsque son père fête sa retraite et son 60anniversaire, elle veut lui trouver un vieux tracteur assez rare, et si possible de collection. Au fil de sa recherche, elle va se prendre au jeu. C’est le début d’une nouvelle passion. « On recherchait un vieux modèle. On l’a finalement trouvé. Un tracteur exceptionnel. Un Massey-Harris canadien de type onze qui a été importé en plan Marshall. Depuis, ce sont ces tracteurs qui m’intéressent. Ils montrent toute l’histoire du machinisme agricole et l’évolution du travail des agriculteurs », explique Davina Trau.

C’est le début de sa collection. Elle effectue des recherches et se documente par le biais d’articles de presse ou de brochures trouvées dans des bibliothèques ou des sites spécialisés. Elle cherche avant tout les modèles de la famille des Massey, mais également les tracteurs de modèles encore plus rares. Les premiers tracteurs collectionnés viennent tout d’abord d’achats et d’importations. Des Pays-Bas notamment. « L’un d’entre eux a été trouvé un peu par hasard dans un garage. Il n’avait pas tourné depuis trente ans. Un autre a été acheté dans une vente aux enchères. On a bataillé pendant une heure pour l’avoir. Les échanges ont eu lieu au téléphone. Il a fallu faire monter le prix pour finalement l’emporter. Cela a été une sacrée expérience. Quand je cherche et j’achète un tracteur, peu importe son état à partir du moment où il est d’origine. Même s’il n’est plus en état de marche. Un exemple : le Massey-Harris 44.6. Il s’agit d’un six cylindres. Il n’existe plus que 3 000 modèles du même type dans le monde », ajoute Davina Trau.

Un patrimoine

Une fois en sa possession, elle cherche à restaurer ces modèles rares en conservant toutes les pièces d’origines. « Cela peut parfois être très compliqué. Sur un tracteur, le clignotant ne marchait plus. C’était un six volts. Or, les nouveaux modèles ont des clignotants à douze volts. Cela ne me convient pas. J’effectue donc des recherches. Et tant que je ne trouve pas exactement ce que je recherche, je ne remplace pas. Pour les tracteurs encore plus rares, il faut être patient et avoir un peu de chance. Pour le tracteur Massey 55 Western importé en plan Marshall, il n’y a eu que trois exemplaires qui ont été importés. Le premier a été vendu en Normandie. Le second était en Champagne. Nous y étions. Mais quand nous l’avons trouvé, j’ai constaté que le moteur avait été changé. Il ne m’intéresse donc plus. Le troisième, je ne l’ai pas encore retrouvé. Je me renseigne régulièrement sur toutes les manifestations et expositions qui sont organisées. Comme ce sont des pièces rares, j’ai appris avec le temps où il fallait se rendre pour avoir un maximum de chance de les trouver », précise Davina Trau. Du fait de la rareté de ces modèles et de toutes ces pièces, cette passion a un coût.

Parmi les autres vieux tracteurs présents, eux, sur l’exploitation, deux modèles retiennent son attention. Des Massey-Harris évidemment. Le premier ne démarre pas. Un 33 importé en France en plan Marshall sur la version 30 et 30K. Il s’agit d’un essence quatre cylindres 5,8 litres. Le second est un 20 K importé dans cette version en essence kérosène. « C’est une série. C’est également ce qui m’intéresse : tenter de posséder une série complète. Ensuite, l’objectif est de trouver les outils qui vont avec. Toutes ces pièces sont rares. Souvent, on peut les trouver dans d’anciennes fermes. On incite donc les gens à ne rien jeter et à nous contacter, au sein de l’association », insiste Davina Trau.

Être curieux

Depuis deux ans, elle préside en effet l’association Vieux tracteurs de Centre Alsace. Cette dernière organise tous les deux ans une exposition de vieux tracteurs aux Tanzmatten de Sélestat. Chaque année, les membres se retrouvent également pour une promenade en tracteur. « Nous sommes une centaine de membres. Beaucoup n’ont qu’un ou deux tracteurs. Nous sommes une vingtaine de ma tranche d’âge, mais nous comptons sur les « anciens » pour nous apprendre et nous transmettre. L’histoire du monde agricole est passionnante. Son évolution entre les années 1950 et 1970 a été fulgurante. Et le matériel d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec cette époque. Pourtant, nous devons préserver ce patrimoine et continuer à le faire connaître. Cette passion n’a pas d’âge. Il faut simplement être curieux et vouloir s’investir dans la recherche de notre patrimoine agricole », estime la jeune femme.

Une passion qui nécessite également d’être réactive. Elle est à l’affût de toutes les annonces qui paraissent régulièrement dans les journaux spécialisés ou sur Internet. « Je me souviens de ce tracteur dont l’annonce est parue tôt un matin. Il fallait se rendre en Belgique. Nous étions les premiers au point de rendez-vous à midi et nous l’avons acheté et ramené dans l’après-midi. Quand c’est rare, je n’hésite jamais », précise Davina Trau. Une collection qui complète les tracteurs de la ferme. « Si des opportunités se présentent, je ne vais pas hésiter. Mais, je ne compte pas agrandir la collection juste pour l’agrandir. Je compte déjà les conserver et les restaurer en préservant leur histoire et leur authenticité. » « Chaque tracteur a une valeur. Et plus il est rare, plus sa valeur augmente. Fort heureusement, le modèle que je cherche, Massey-Harris, n’est pas trop recherché », conclut Davina Trau.

 

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