Pratique

Recyclage des plastiques agricoles

Des déchets ? Où ça ?

Publié le 28/06/2020 | par Bérengère de Butler

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Le succès de la filière repose sur son fonctionnement selon le principe de l'action volontaire et de la responsabilité partagée, avec des engagements pris par l’ensemble des professionnels de l’agrofourniture : metteurs en marché, industriels ou importateurs, opérateurs de collecte et agriculteurs-recycleurs.
Germain Schmitt
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Avec 70 % des quantités d’emballages et plastiques usagés collectées, dont 90 % sont recyclés, les plastiques agricoles ne méritent plus vraiment le statut de déchet.
Germain Schmitt
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Les agriculteurs, parce qu'ils pré-trient les plastiques qu'ils apportent, contribuent au succès de la filière de recyclage.
Germain Schmitt
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Une vingtaine d’années après son lancement en juillet 2001, la filière Adivalor est en passe d’atteindre son objectif de recycler 100 % des plastiques agricoles collectés. Résultats : les agriculteurs français recyclent mieux les plastiques qu’ils consomment que la moyenne des Français, et ils sont les champions d’Europe du recyclage.

La filière Agriculteurs, distributeurs, industriels pour la valorisation des déchets agricoles (Adivalor) est née en 2001 à l’initiative de l’Union des industries de la protection des plantes (UIPP). Elle regroupe de nombreux partenaires (lire encadré), qui œuvrent à la collecte et au recyclage des plastiques agricoles. Son fonctionnement est financé par les fabricants et importateurs de plastiques, produits phytopharmaceutiques, engrais, semences certifiées et produits d’hygiène destinés à l’agriculture au moyen d’une écocontribution intégrée dans le prix de vente du produit neuf. En vingt ans, la filière a considérablement progressé. Au départ, les plastiques collectés étaient essentiellement incinérés. Mais, progressivement, non seulement la quantité de plastiques agricoles collectée a augmenté, mais en plus la part de recyclage s’est significativement accrue. « Actuellement, 90 % des plastiques collectés sur la ferme France sont recyclés », indique François Alvès, conseiller agricole à la Chambre d'agriculture Alsace, en charge de ce dossier. La France est devenue la référence européenne en la matière.

Un tri à la source

Ce qui fait le succès de cette filière, c’est notamment son organisation. En effet, pas moins de 1 200 opérateurs*, dont 80 % de coopératives et négociants agricoles, assurent la collecte des plastiques agricoles, selon un calendrier coïncidant avec les travaux agricoles. Premier rendez-vous, début mai, pour la collecte des Films agricoles usagés (FAU), soit les ficelles, films d’ensilage, d’enrubannage. Mi-juin, suit une collecte axée sur les grandes cultures, qui comprend les sacs de semences, les big bag d’engrais, les bidons de produits phytosanitaires vides. S’ensuit une autre campagne du même type en septembre, dans le Bas-Rhin, et, en novembre, dans le Haut-Rhin (pour des raisons d’habitudes bien rodées, les dates historiques ont été conservées dans les deux départements). L’année se termine sur une seconde collecte des FAU en novembre. Enfin, une collecte s’adresse plus spécifiquement aux viticulteurs, avec une collecte des ficelles de palissage, qui a lieu cette année du 12 octobre au 11 décembre. À ces dates de collecte bien précises, s’ajoute la possibilité de ramener leurs Produits phytosanitaires non utilisables (PPNU) : « Chaque distributeur a un site dédié qu’il s’agit de contacter afin de préciser la nature et la quantité de PPNU à collecter afin de prendre un rendez-vous », précise François Alvès. À l’heure actuelle, les PPNU sont, quant à eux, incinérés. Grâce à ce tri à la source effectué par les agriculteurs, vingt types de déchets sont valorisés. « Le fait qu’ils soient correctement triés, propres et bien conditionnés contribue au succès et à la pérennité de la filière », insiste Thomas Jung, responsable logistique dépôts au Comptoir agricole. D’ailleurs, les déchets qui ne respectent pas les règles de présentation sont refusés.

Des bons et des mauvais déchets

Une fois les déchets collectés chez les distributeurs de fournitures agricoles, une demande d’enlèvement est effectuée auprès d’Adivalor, qui missionne les entreprises de collecte de déchets référencés par ses soins. En Alsace, il s’agit principalement de STIS International (entreprise de transport spécialisée vers l’Europe de l’Est) dans le Bas-Rhin, ainsi que de Coved (filiale du groupe Paprec, spécialisée dans les métiers de la collecte, du tri, du traitement, du stockage et de la valorisation des déchets) et de Hemmerlin (entreprise de transport et de logistique) dans le Haut-Rhin. En France, ce ne sont pas moins de 110 entreprises qui sont mobilisées pour transporter les déchets sur près de 100 plateformes de prétraitement, où ils font l’objet d’un compactage, d’un broyage… Ensuite, ils sont à 90 % expédiés vers des sites de recyclage en France (à 75 %) ou dans l’Union européenne.

Une fois recyclés et reconditionnés, ces plastiques sont rachetés par des industriels, qui leur donnent une seconde vie. Comme tous les marchés, celui des déchets est régi par l’offre et la demande, souligne Thomas Jung, c’est-à-dire qu’un recycleur peut aussi bien payer cher un déchet s’il se recycle facilement et s’il y a un débouché derrière, que demander à être payé pour prendre en charge un déchet difficile à traiter et à valoriser. L’objectif est donc de trouver les bons recycleurs, les bons débouchés… En outre, le marché des déchets est soumis à des aléas. Ainsi, « lorsque la Chine a fermé ses frontières aux déchets étrangers, cela a déstabilisé le marché », illustre Thomas Jung.

Seconde vie

Selon leur nature, le devenir des déchets collectés diffère. Les bidons de produits phytosanitaires deviennent des tubes et gaines techniques pour l’industrie. Les big bags et sacs d’engrais revivent sous forme de cagettes plastiques et éléments de construction. Les films plastiques deviennent des sacs-poubelles. Les sacs en papier ayant contenu des semences se transforment en couche de protection des cloisons de plâtre. Les ficelles et filets sont transformés en raccords plastiques ou en… ficelles. « Ces plastiques se valorisent bien car ils sont propres. Au contraire, les films de paillage font partie des plastiques difficiles à valoriser, essentiellement parce qu’ils sont maculés de terre », explique Thomas Jung. Pour lever ce frein, Adivalor a lancé en 2019, le projet Cleanflex, avec le soutien du Comité français des plastiques en agriculture (CPA), qui vise à créer une unité de prétraitement (broyage et nettoyage) dédiée à la régénération des films de paillage. Cette unité, localisée en Occitanie, devrait être opérationnelle fin 2021. Sa capacité nominale devrait permettre de recycler plus de 10 000 t/an de films souillés. Dès lors, 100 % des films plastiques agricoles devraient être recyclés à partir de 2022. La consolidation de l’industrie européenne du recyclage apparaît cruciale. Adivalor appuie donc les initiatives qui tendent à dynamiser la demande en matière plastique recyclée par rapport aux autres matières premières, à leur garantir des débouchés.

Collecte en hausse constante

En Alsace, la filière fonctionne plutôt bien, pilotée par un comité qui se réunit une fois par an pour ajuster les modalités pratiques de la collecte. Les quantités de plastique agricole collectées ne cessent d’augmenter. Et la tendance devrait se poursuivre, puisque régulièrement d’autres déchets rentrent dans la filière de recyclage. C’est le cas des Équipements de protection individuelle (EPI), collectés depuis deux ans : « Pour l’instant les volumes collectés sont encore faibles, mais cela doit entrer dans les habitudes. Pour les emballages de produits phytosanitaires, la dynamique était la même : après des débuts poussifs, les volumes collectés augmentent chaque année », indique François Alvès. En 2019, d’autres déchets ont encore intégré la filière : les emballages vides de produits œnologiques et d’hygiène de la cave dans les régions viticoles, ainsi que les gaines souples d’irrigation pour le maraîchage. Les pneus usagés ne font pas partie des déchets valorisés par Adivalor : la gestion de ces déchets relève de la responsabilité élargie des producteurs. Enfin, souligne Thomas Jung, le meilleur déchet est celui qui n’est pas produit. Là aussi, le monde agricole est précurseur, puisque la vente en vrac - d’engrais, par exemple, livré directement dans la benne - se pratique depuis les années 1980.

Malgré le succès de cette filière, les agriculteurs ont plus une image de pollueur que de recycleur. Si les bonnes performances du secteur en matière de recyclage sont méconnues, c’est parce qu’elles ne sont pas suffisamment mises en avant ni valorisée par des opérations de communication, reconnaissent François Alvès et Thomas Jung.

 

 

Les actionnaires d’Adivalor

APCA (Assemblée permanente des Chambres d’agriculture)
Ares (Association pour la récupération et le recyclage des emballages de semences)
Coop de France métiers du grain : fédération française des coopératives agricoles de collecte d’approvisionnement et de transformation
Covada (Collecte et valorisation des déchets agricoles)
CPA (Comité français des plastiques en agriculture)
FNA (Fédération du négoce agricole)
FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles)
Invivo : union des coopératives agricoles
SEPH (Solution pour les emballages de produits d’hygiène)
Soveea : société de valorisation des éco-actions des engrais et amendements

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