Élevage

Élevage ovin

L’agneau de Pâques ne fait pas recette cette année

Publié le 09/04/2020 | par Florence Péry

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Florence Péry
Quel que soit le circuit de distribution, la consommation de viande d'agneau est affectée par la crise sanitaire actuelle.

La baisse de la demande est catastrophique pour les éleveurs ovins, dont les agneaux ne trouvent pas preneurs à cause du confinement.

D’habitude, Pâques est une période d’intense activité pour les éleveurs ovins. L’agneau fait partie des classiques du repas pascal et si l’on n’est pas fan du traditionnel gigot, l’arrivée des premiers légumes de printemps permet d’accommoder cette viande de multiples façons. Il en va tout autrement cette année : l’épidémie de Covid-19 et le confinement obligatoire anéantissent les espoirs des éleveurs ovins. Le pic de consommation attendu n’aura pas lieu.

« Il n’y a pas de demande, se désole Jean-Pierre Saulet-Moes, conseiller ovins à la Chambre d’agriculture Alsace et animateur de la filière Agneau Terroir d’Alsace. La dernière semaine de mars, les abattages d’agneaux étaient en baisse de 45 % au niveau national par rapport à 2019. Et la FNO (fédération nationale ovine) estime que 45 000 agneaux vont rester dans les fermes. Dans le Grand Est, il y a entre 15 000 et 18 000 agneaux dont on ne sait pas quoi faire. » La situation vaut aussi pour l’Alsace. « Les gens ne pensent pas à Pâques, ils n’ont pas envie de fêter quoi que ce soit, on ne parle que du coronavirus matin, midi et soir. »

Aucun levier pour agir

L’an dernier, pendant les deux semaines précédant Pâques, Agneau Terroir d’Alsace avait réussi à vendre 11 000 agneaux. « Là, on va faire 40 % du volume. Et le problème, c’est qu’on n’a aucun levier car la situation est la même en dehors du marché alsacien. » Les boucheries traditionnelles semblent mieux résister que les GMS, dont la plupart ont fermé leur rayon à la coupe faute de personnel. Mais beaucoup ont réduit leurs horaires d’ouverture, constate le conseiller ovin.

Les agneaux qui devaient être commercialisés à Pâques sont nés en novembre-décembre et, à ce moment-là, on ne parlait pas encore de coronavirus. Même si le conseiller ovin a ensuite demandé aux adhérents de freiner la production d’agneaux, il était trop tard. « Un autre problème vient du fait que les grandes surfaces ont commandé de l’agneau de Nouvelle-Zélande il y a déjà quelque temps. Ils vont d’abord essayer d’écouler ce qu’ils ont dans leurs frigos avant de penser à la production locale. Donc le marché risque d’être engorgé pour un bon moment. Et après Pâques, il ne faut pas s’attendre à une embellie au niveau de la consommation. »

 

 

Jérémie Gisselbrecht, éleveur ovin à Baldenheim, en Centre Alsace, n’est guère plus optimiste : « J’ai vendu un quart de ce que j’avais prévu pour Pâques », indique le jeune éleveur, qui s’est lancé dans l’élevage ovin en 2017. Les seuls agneaux qu’il a réussi à commercialiser l’ont été en direct, sous forme de colis. Et même par ce biais, les clients ne se bousculaient pas au portillon. « Il y a un mois, tout le monde me demandait de l’agneau et finalement, ceux qui sont venus m’en acheter ne sont même pas ceux qui m’ont appelé. C’est bizarre… », constate encore Jérémie Gisselbrecht, qui écoule habituellement 95 % de sa production via Agneau Terroir d’Alsace.

« On court après les gens »

Jérôme Maier, éleveur à Bassemberg dans la vallée de Villé, qui vend toute sa production en direct, fait état des mêmes difficultés. Lundi matin, il constatait une baisse des volumes de moitié par rapport à une année ordinaire. « D’habitude à Pâques, ce sont les clients qui nous appellent et, parfois, on n’arrive pas à assurer toutes les commandes. Cette année, c’est nous qui courons après les gens. » Dans les magasins de producteurs où il est présent, à Strasbourg, Villé et Wisches, il a le sentiment que la solidarité vis-à-vis des producteurs joue davantage. Néanmoins, la demande pour les grosses pièces telles que les gigots est en baisse et il n’est pas sûr que les consommateurs vont se rabattre sur les côtelettes et les tranches de gigot. Compte tenu des incertitudes, l’éleveur a été contraint d’annuler un créneau d’abattage à l’abattoir de Rambervillers, où il emmène ses animaux. « Le pire, ça aurait été de faire abattre les agneaux et de se retrouver avec la viande sur les bras. »

L’effondrement de la demande a des conséquences sur le terrain : les éleveurs vont devoir garder leurs agneaux dans les élevages. « Ceux qui sont finis, on peut les garder encore 15 jours en réduisant leur alimentation, mais pas plus, indique Jean-Pierre Saulet-Moes. Ceux à qui il manquait 5 à 8 kg, on peut encore les tirer un mois mais comme la commercialisation a pris du retard, ça va finir par se cumuler. » Le problème qui se pose est celui de la place disponible dans les bergeries mais aussi des frais supplémentaires liés à une période d’élevage plus longue. Les éleveurs adhérant à Agneau Terroir d’Alsace, qui bénéficient d’un prix fixe à l’année, craignent de ne plus être compétitifs lorsque le confinement sera fini.

Dans cet océan d’incertitude, Jérôme Maier espère, lui, que le beau temps va se maintenir après Pâques. « Si c’est le cas, les consommateurs vont se tourner vers les grillades et cela nous permettra peut-être d’écouler nos agneaux de Pâques ».

 

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