Vigne

Situation en amont et aval de la filière des vins d’Alsace

Vignes en forme et marché en berne

Publié le 01/06/2020 | par DL

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Normalement étalée sur deux semaines, la floraison semble remarquablement concentrée.
Ilona Bonjean
ventes d'avril 2020
Les ventes d'avril 2020 par catégorie : une chute importante !
CIVA

La situation phytosanitaire du vignoble alsacien est excellente et les inflorescences laissent augurer un bon potentiel. En aval de la filière, le marché des vins d’Alsace accuse une chute drastique, qui n’a pas impacté tous les opérateurs de la même manière.

La saison végétative a démarré par une « pousse importante, la sécheresse n’ayant pas freiné la croissance de la vigne », observe Hélène Bossan, conseillère à l’Adar du vignoble. Il a d’ores et déjà atteint le stade phénologique de la mi-floraison, pour les secteurs les plus précoces, ce qui nous achemine vraisemblablement vers un ban des vendanges en août. La parcelle de référence à Bergheim indique une mi-véraison probablement atteinte le 15 août. Ce qui place 2020 parmi les cinq années les plus précoces. « Normalement étalée sur deux semaines, la floraison semble remarquablement concentrée. » Sauf aléas climatiques, les vendanges débuteront en août.

Un millésime fécond à ce stade

Du côté du nombre d’inflorescences, qui donne un premier indicateur des potentiels de rendement du millésime, même si la route est encore très longue d’ici les vendanges, l’ensemble des vignerons constatent une année très généreuse. D’ici les vendanges, le millésime peut encore réserver de la coulure, de la sécheresse, de la grêle, des ravageurs. Mais en l’état, la vigne en Alsace s’annonce très féconde. « Les inflorescences sont importantes et belles, le printemps a été favorable, mais il faut attendre la fin de la floraison pour se prononcer », confirme Hélène Bossan.

Côté sanitaire, « globalement la situation est bonne, la météo est clémente jusqu’à présent ». S’agissant du mildiou, les deux pluies potentiellement contaminatrices le 11 mai et samedi dernier, n’ont engendré que très peu de taches, selon les observations à ce stade. Ce qui confirme une pression très faible.

Attention à l’oïdium

« C’est plutôt l’oïdium qui dicte la cadence cette année, précise Hélène Bossan. La situation est disparate avec des symptômes dans le Bas-Rhin. Et une intensité d’attaque parfois très forte sur l’un ou l’autre des pieds qui peuvent présenter des symptômes sur plusieurs étages des rameaux et sur inflorescences. » À la différence du mildiou sur inflorescence qui se traduit par des crosses, l’oïdium se caractérise par une couverture grisâtre. L’inflorescence sèche ensuite…

Concernant les autres ravageurs, le vol de la première génération d’eudémis est accompli, très peu de glomérules sont observés. Rien à signaler non plus pour les ravageurs secondaires. Cependant à cause des gelées, quelques parcelles ont eu à subir des dégâts : « Très localement, nous observons des gelées à 100 %, sur des parcelles à Balbronn, Traenheim et aussi dans le Haut-Rhin. »

Même si le chemin est encore long, tous les voyants de potentiel de volumes sont au vert dans le vignoble alsacien en amont de la filière.

Le « club des 5 000 » deux fois moins impacté par la baisse des ventes en avril

En aval, le Civa vient de publier les résultats de ventes du mois d’avril. Avec 36 000 hl en chiffre rond de volumes vendus sur ce mois, la chute des ventes est de 45,9 % comparé à avril 2019. Sur douze mois mobiles, la capacité de mise en marché passe fatalement sous la barre des 900 Mhl (milliers d’hl) à 885 Mhl. Les entreprises de moins de 5 000 hl sont particulièrement touchées avec -7 à -8 % de ventes sur douze mois. Les 22 opérateurs en vins d’Alsace qui commercialisent plus de 5 000 hl ne sont pratiquement pas affectés par la baisse à ce stade avec -0,39 % de baisse seulement, sur douze mois mobiles.

Et sur le seul mois d’avril, les pertes cumulées de ventes sont pratiquement deux fois plus élevées chez les entreprises de moins de 5 000 hl que celles de plus de 5 000 hl. Une raison principale explique cette situation : pendant deux mois, les grandes surfaces avaient pratiquement le monopole des ventes, tous les autres réseaux de distribution du vin ont été freinés ou carrément interdits de vente (restauration, cavistes, ventes au caveau…). De surcroît, les opérateurs de la grande distribution ont simplifié et « recentré leur offre sur le corps business », confirmait un opérateur dans nos colonnes la semaine dernière. Une note publiée le 15 avril par la Banque de France faisait ainsi état d’une hausse des ventes en supermarchés de +7,4 % et en hypermarchés de +1,7 %, au mois de mars 2020 par rapport à février 2020, tandis que les ventes du petit commerce de l’alimentaire étaient en forte baisse de -9,6 %.

-76 % pour les grands crus en avril

Globalement, si les ventes d’avril en métropole passent de 48 000 hl en 2019 à 21 000 hl en 2020, l’export semble avoir paradoxalement moins perdu en proportion : 18,7 Mhl en 2019 et 15 Mhl en 2020. Par catégorie, sur le seul mois d’avril, les alsaces tranquilles et les crémants accusent 55 % de baisse, comparé à avril 2019. Les grands crus sont plus impactés avec 76 % de baisse des ventes.

Pour parer à cette passe délicate, l’interprofession alsacienne fonde ses espoirs sur un plan de rebond, évalué à un million d’euros, selon des chiffres communiqués dans la presse spécialisée, et sur la reprise de la dynamique des ventes telle qu’elle avait été impulsée les mois précédents la crise, envers et contre une conjoncture globale défavorable à l’économie de la filière viticole orientée sur -3 %.

Le vignoble doit donc adapter des mesures, principalement une distillation de crise et les rendements pour le millésime 2020 : un débat particulièrement explosif.

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